S'abonner à un flux RSS
 

Des terres mises à mal

De Wiklimat

Cette page fait partie de l'ouvrage : La biodiversité à travers des exemples Services compris (CSPNB). 3ème Tome - 2012

Ingénieuse nature.jpg

Sans une prise en compte du fonctionnement et de l’évolution des écosystèmes agricoles, l’agriculture continuera d’être productrice de pollutions diverses (nitrates, pesticides, etc.). Cependant, les sociétés humaines dans leur ensemble, par leurs activités, leur développement urbain, impactent également les nappes phréatiques, les populations animales et sauvages utiles à l’agriculture.



Sommaire

La révérence des abeilles

Récolte de néctar.jpg

La variété des insectes pollinisateurs est garante des productions végétales


Élevage des abeilles.jpg

La richesse en abeilles, domestiques et sauvages est un atout pour la santé des écosystèmes et pour leurs productions. Leur déclin affecte le rendement et la qualité des récoltes agricoles.
Le déclin des abeilles est aujourd’hui reconnu et étudié par de nombreux chercheurs. Celui de l’abeille domestique est attribué à des causes multiples : présence de parasites et de pathogènes, existence de stress environnementaux, pratiques apicoles et agricoles. Celui des abeilles sauvages s’accompagne d’une diminution des populations des fleurs qu’elles pollinisent, comme cela a été montré en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. L’intensification agricole et la perte des habitats semi-naturels ont eu, et continuent d’avoir, des effets dommageables sur l’ensemble des insectes pollinisateurs dans de nombreuses régions du monde. Or, plus des trois quarts des espèces cultivées nécessitent le transport du pollen d’une fleur à une autre par les insectes.

Abeille.jpg

La dépendance est même totale pour certaines cultures comme le cacao. Pour ce qui concerne les seules abeilles, les cultures qui en dépendent représentent 35 % de la production mondiale de nourriture. En 2005, on estimait la valeur de l’activité pollinisatrice des insectes (et principalement des abeilles) à 153 milliards d’euros pour les principales plantes cultivées à destination de l’alimentation humaine. La disparition de ces précieux insectes n’est pas simplement un problème de chiffres, car leur variété influence aussi la qualité des productions agricoles. Par exemple, le rendement et la qualité des grains de café sont directement dépendants de la diversité des abeilles. D’autre part, il a été montré que cette diversité détermine celle des plantes à fleurs et de leurs productions de fruits et de graines.


Un réseau de nettoyage et de recyclage à six pattes

70% de la biodiversité connue du règne animal est constituée d'insectes

Les insectes contribuent à des fonctions écologiquesvitales :

  • le recyclage de la matière organique.
  • la pollinisation.
  • le contrôle des ravageurs des cultures.
  • la survie de nombreuses espèces de vertébrés dont ils constituent la ressource alimentaire.


Isolé papillon orange et noir avec des taches bleues.jpg

On les détruit, les écrase et les chasse…. mais que ferait-on sans eux ?

Les insectes rendent d’immenses services aux humains. Et lorsque des estimations monétaires sont avancées, leurs « sociétés multinationales » en feraient pâlir plus d’un. Que l’on en juge par ces chiffres publiés pour les États-Unis en 2006 et 2008. Les services rendus pour nettoyage et recyclage des déjections animales équivalent à 380 millions de dollars par an ($/an). Sans leur capacité à « transformer » cette matière, les terres émergées ne seraient qu’un vaste champ de bouses, crottes et autres déjections. Leurs services de régulateurs des populations de ravageurs des champs cultivés sont estimés à 4,49 milliards $/an.

L'abeille.jpg

Enfin, s’y ajoutent des services vitaux comme la pollinisation des cultures (3,07 milliards $/an) et leur rôle essentiel comme nourriture du gibier (oiseaux, mammifères) et des poissons de pêche sportive (49,96 milliards $/an), soit au total une valeur marchande de 57,9 milliards $/an pour les seuls États-Unis. Soit à quelques milliards près, la valeur du réseau social Facebook en 2011 multipliée par trois!

Voici comment ont été calculés les services écologiques remplis par les bousiers, estimés à 380 millions $/an aux États-Unis. Les auteurs ont évalué à 74 millions le nombre de bovins élevés en plein air. Chaque animal produisant 12 bouses par jour, cela représente neuf tonnes de déjections à éliminer par animal et par an, soit 21 m3 en volume cumulé…

La disparition plus rapide des bouses permet un gain de surface utile de pâturage et permet d’augmenter la production de viande, ce qui représente un bénéfice de 122 millions $/an. L’économie réalisée par les éleveurs en engrais azotés est de 58 millions $/an, celui en traitements vétérinaires (l’élimination des bouses réduit la charge parasitaire) est de 70 millions $/an. Enfin, les bousiers permettent de diminuer les nuisances liées aux mouches et donc d’augmenter la production animale : 130 millions $/an.

Bouse de vache.jpg
Le bousier.jpg


Ce que coûte la disparition des vautours

Un service de nettoyage gratuit en voie de disparition

Vache indienne.jpg
Au sud de la grande chaîne de l’Himalaya, du Pakistan au Bengladesh, quatre espèces de grands vautours, Gyps bengalensis, G. indicus, G. himalayensis et G. fulvus voient leurs populations décliner dangereusement.

Ces espèces sont en effet empoisonnées par un produit chimique, le diclofénac, largement utilisé comme médicament anti-inflammatoire pour le bétail. Dans ces pays, les cadavres des animaux domestiques sont laissés sur place et normalement « nettoyés » par les grands vautours, dont le régime alimentaire est nécrophage. La baisse des effectifs de vautours se répercute sur l’efficacité et la rapidité de nettoyage des carcasses. Moins de vautours équivaut à plus de carcasses laissées à l’abandon. Cette situation profite à d’autres animaux, porteurs de maladies, tels que les chiens errants. Le chercheur Anil Markandya et ses collègues ont calculé qu’entre les années 1993 et 2006, les conséquences de la disparition des grands vautours sur la santé humaine a coûté quelques 34 milliards de dollars américains. Se sont ajoutés à ces coûts les dommages culturels causés aux Pārsis, une communauté indienne qui confie aux vautours le soin de faire disparaître leurs morts. Ces coûts additionnels ont été estimés à 1,6 millions de dollars américains.


Les Pārsis sont, comme leur nom l’indique, originaires de Perse (actuellement l’Iran). Chassés par les arabes musulmans au 18è siècle, certains émigrèrent vers l'Inde pour ne pas renier leur religion. Et puisqu’aucun tabou ne les empêchait de fréquenter les anglais, ils participèrent au développement économique de la région de Bombay. Ils y ont occupé des fonctions importantes au sein des administrations et ont été à l’origine d’une classe moyenne, plutôt aisée.

Les Parsis.jpg

Les Pārsis sont adeptes d’une religion, le zoroastrisme, qui voit dans l’eau, la terre et le feu des éléments sacrés. Pour éviter toute souillure, leurs défunts sont exposés dans des « tours du silence » où ils sont déchiquetés par les oiseaux charognards. Au début des années 2000, les populations de vautours ont été victimes d’un déclin rapide suite à une intoxication par un anti-inflammatoire (le diclofénac). Désemparés, les membres de cette minorité religieuse ont dû mettre en place des stratagèmes pour provoquer la décomposition rapide de leurs défunts : disposer des miroirs solaires, conduire des élevages de vautours en captivité…




Sources :

  • Nichols E. et al. 2008.- Ecological functions and ecosystem services provided by Scarabaeinae dung beetles. Biological Conservation, 141 : 1461-1474.
  • Losey J.E. & Vaughan M. 2006. The Economic Value of Ecological Services Provided by Insects. BioScience, 56 (4) : 311-323.
  • Pour en savoir plus : Nassera Kadiri, http://www.cefe.cnrs.fr/en/ecologiedes-arthropodes-et-changements-globaux/presentation.
  • Markandya, A. et al. 2008. Counting the cost of vulture decline – An appraisal of the human health and other benefits of vultures in India. Ecological Economics, 67: 194-204.


Outils personnels