S'abonner à un flux RSS
 

Posidonia oceanica

De Wiklimat

La préservation de Posidonia oceanica : un enjeu important pour la Méditerranée.


Sommaire


Présentation


Posidonia oceanica, espèce endémique de la Méditerranée, est présente sur une grande partie du littoral. Elle occupe de 20 à 50 % de la surface des fonds marins et forme de vastes herbiers entre la surface et moins de 45 mètres de profondeur. Cette espèce n'est pas une algue mais une plante à fleurs (magnoliophytes marines).

posidonia oceanica
Crédit photo : Frédéric TRON, Service Mer et Littoral, DDTM des Bouches-du-Rhône


Description

  • Caractéristiques physiques :


La plante est constituée d'un rhizome sur lequel se développe un ou plusieurs faisceaux de fines feuilles. Chaque feuille, d'une longueur de 20 à 80 cm, est composée d'une gaine basale et d'un limbe. Ce dernier est caduc et se détache à l'automne. La gaine basale, quant à elle, reste fixée au rhizome, devenant alors une écaille peu putrescible.

Les différents éléments constitutifs de Posidonia oceanica.
les differents elements constitutifs de posidonia oceanica
Illustration de Timothée BERLIOZ d'après les éléments présents dans l'ouvrage suivant :
BOUDOURESQUE Charles-François et al., Préservation et conservation des herbiers à Posidonia oceanica


Posidonia oceanica se développe en "gerbes" plus ou moins continues : ce sont les herbiers. Ces derniers revêtent des aspects visuels très différents. Si l'une des formes les plus caractéristiques est l'herbier de plaine, subhorizontal, les récifs barrières, résultant de l'affleurement du végétal à la surface de l'eau, constituent la configuration la plus spectaculaire (Port-Cros, Var, France).

Grâce à la densité de ses feuilles, Posidonia oceanica piège les sédiments marins et l’herbier édifie au cours du temps « la matte », un enchevêtrement complexe et extrêmement compact de rhizomes et de leurs racines dont les interstices sont comblés par les sédiments. Cette « matte »s'épaissit au cours du temps, à raison d’un mètre par siècle.


Processus d'épaississement de la matte de Posidonia oceanica

processus d epaississement de la matte de posidonie
Illustration de Timothée BERLIOZ d'après les éléments présents dans l'ouvrage suivant :

BOUDOURESQUE Charles-François et al., Préservation et conservation des herbiers à Posidonia oceanica


  • Une croissance et une reproduction particulières :


Les rhizomes poussent horizontalement (croissance plagiotrope) ou verticalement (croissance orthotrope) pour compenser les apports sédimentaires. La matte s’élève et évite ainsi l'ensablement. La croissance verticale est très lente (1 cm par an), tandis que la croissance horizontale varie entre 3 à 10 cm par an.

La reproduction peut être sexuée (hermaphrodisme) ou asexuée. Dans le premier cas, les cycles de procréation sont variables et souvent peu prolifiques. C'est le deuxième cas qui est le plus représentatif du développement de cette plante. Il s'agit en effet d'une « reproduction végétative » fondée sur un bouturage naturel. Bien que ce type de renouvellement ne favorise pas le brassage génétique, il permet néanmoins à ce végétal de croître sous forme d'herbiers.

Un rôle écologique déterminant

En produisant une grande quantité de biomasse végétale (matière organique carbonée issue de la photosynthèse), les herbiers à Posidonia oceanica constituent un des écosystèmes les plus productifs de la planète. D'autre part, bien que très significative, la quantité de biomasse animale y est bien inférieure à celle de la biomasse végétale.
Posidonia oceanica est consommée par certains herbivores, comme la saupe (Sarpa salpa) qui est un poisson ou l’oursin comestible (Paracentrotus lividus). Les feuilles servent aussi de support à des algues épiphytes dont se nourrissent également les herbivores.

Par ailleurs, une partie non-négligeable de cette production est exportée au bénéfice d'autres biotopes dans les fonds marins.


Destination de la matière organique produite par Posidonia oceanica
destination de la matiere organique produite par posidonia oceanica
Illustration de Timothée BERLIOZ d'après les éléments présents dans l'ouvrage suivant:
BOUDOURESQUE Charles-François et al., Préservation et conservation des herbiers à Posidonia oceanica.


En plus du carbone, elle produit une quantité importante d'oxygène (14 l/m²/jour) et offre un abri pour de nombreuses espèces. La densité de ses feuilles permet de réduire la puissance des courants et de la houle (jusqu’à 50%). L’herbier sert ainsi de frayère et de nurserie pour des milliers d’espèces dont plus de 400 espèces animales et végétales qui y vivent en permanence.C'est pour toutes ces raisons qu'on assimile Posidonia oceanica à un « pôle de biodiversité ».


Cyril Gombert, Président de l'association Naturoscope, présente les espèces que l'on peut rencontrer dans les herbiers à Posidonia oceanica.

La vidéo sera bientôt disponible

Posidonia oceanica : son écosystème et ses interactions avec les autres biotopes

l herbier de posidonie un ecosysteme vital
Illustration de Timothée BERLIOZ d'après les éléments présents dans l'ouvrage suivant :

BOUDOURESQUE Charles-François et al., Préservation et conservation des herbiers à Posidonia oceanica.


Posidonia oceanica est considérée comme un indicateur biologique de la qualité globale de l'eau et des milieux littoraux de la Méditerranée au même titre que les phytoplanctons, les micro-algues et les benthos.

Cette plante stabilise les fonds marins grâce aux enchevêtrements de ses rhizomes. Elle offre également une protection naturelle contre l'érosion des plages. En effet, l'accumulation de ses feuilles mortes au bord des plages forme des banquettes qui amortissent les vagues.


Un rôle économique important


Les zones à Posidonia oceanica favorisent la pêche artisanale en facilitant la reproduction d'espèces pouvant être valorisées commercialement.

En diminuant l'érosion des plages, elle représente un enjeu bénéfique au tourisme. Cependant, l'aspect visuel de ces banquettes produit un effet dissuasif auprès des usagers. Il convient donc de les sensibiliser à la protection de Posidonia oceanica.


État des lieux de Posidonia oceanica en Méditerranée


Posidonia oceanica est une plante fragile croissant lentement (1cm par an) et qui, pourtant, peut vivre plus de mille ans dans des conditions favorables. Les nombreuses études menées depuis plus de vingt-cinq ans par des Organisation Non Gouvernementales avec le soutien des pouvoirs publics font apparaître une régression avérée de la Posidonia oceanica sur les côtes méditerranéennes. A Marseille, par exemple, près de 90% de l’herbier cartographié à la fin du 19ème siècle par Marion (1883) a aujourd’hui disparu ((travaux de Boudouresque et al., 1996).

Les causes de cette raréfaction sont multiples, mais il apparaît qu'elles sont davantage le résultat de l'action de l'homme que celui de la nature.

Posidonia oceanica survit en effet difficilement à certaines modifications de son milieu ; les facteurs limitant son développement sont recensés ci-dessous :

  • La température de l'eau doit rester comprise entre 9°c et 29,2°c. Les conséquences du réchauffement climatique sur le développement de Posidonia oceanica restent encore mal évaluées.
  • La salinité de l'eau doit être comprise entre 33‰ et 41‰ sans quoi la plante souffre de dessalure. Ceci explique l'absence de l'herbier à l'embouchure des fleuves.
  • La profondeur : fonction de la transparence de l'eau (on la trouve jusqu'à 42 m).
  • Elle est sensible aux forts courants et par défaut à l'excès de sédimentation qu'ils entraînent. En effet, l'hydrodynamisme, c'est-à-dire l'ensemble des événements impliqués dans le déplacement des masses d'eau (courants, houle, marées, turbulences), est prépondérant dans la croissance de la plante. En mode calme, la Posidonia oceanica pourra croître jusqu'à se rapprocher de la surface de l'eau (ex : lagune, récifs-barrière). En mode battu, la matte sera plus facilement érodée par l'hydrodynamisme intense.

L'homme est souvent responsable de l'altération des paramètres précédents, notamment au travers des pollutions diffuses. C'est une des raisons de la disparition de Posidonia oceanica à proximité des grandes villes portuaires de la côte méditerranéenne.

Ces pollutions sont de deux types:

  • Les effluents ont une effet négatif sur Posidonia oceanica.

Soit ils favorisent un excès de nutriments. Le nombre d'algues épiphytes sur les feuilles de Posidonia oceanica croit. La croissance de Posidonia oceanica est perturbée.
Soit ils contribuent à l'absorption d'éléments nocifs et à l’appauvrissement biologique de la biocénose.
Dans tous les cas, la densité de Posidonia oceanica s'en trouve réduite et la plante peut même être détruite irréversiblement.

  • Les polluants solides :

Qu'il s'agisse de boues de dragage pour désenvaser les ports ou de rejets de matières issues des chantiers d'aménagement littoral dans l'eau, les dégâts sur l'herbier de Posidonia oceanica peuvent être considérables. En effet, ces pratiques augmentent la turbidité de l'eau et peuvent contribuer à l’ensevelissement de l'herbier.

Voir la vidéo de Frédéric TRON qui présente son métier au sein du Service de la Mer et du Littoral de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (13) et ses actions menées en matière de police de l'eau.


Néanmoins, les actions les plus dommageables résultent des aménagements littoraux d'origine anthropique qui ont, jusqu'à récemment, été réalisés sans précaution quant à la préservation de l'espèce. Ceux-ci sont caractérisés principalement par l'urbanisation en bord de mer : constructions de ports et de digues, la mise en place de plages artificielles, de terre-pleins gagnés sur la mer, etc. Ils ont pour effet de rogner sur le peu d'espace dont dispose Posidonia oceanica sur le littoral ou encore de modifier les apports en sédimentations et la transparence de l'eau. Pour réduire l'impact des projets sur les herbiers, les aménageurs utilisent des techniques spéciales dont les enrochements.

Toutefois, d'autres pratiques s'ajoutent ponctuellement à la détérioration de Posidonia oceanica :

  • Les mouillages de la navigation de plaisance provoquent l'arrachement, par les ancres de bateaux, de faisceaux et de rhizomes sur une surface significative .

Voir la vidéo de Cyril GOMBERT qui présente une action de l'association NATUROSCOPE qui s'intitule Les Patrouilles Bleues.

  • Les arts traînants (pêche au chalut et au ganguis) ont un effet encore plus dévastateur, car le principe du chalut est fondé sur une pêche non-discriminante qui arrache l'herbier.
  • L'aquaculture modifie le milieu marin par un apport excessif de matière organique.
  • La pose de câbles sous-marins électriques, de télécommunications, ou de canalisations, si elle est mal maîtrisée, peut engendrer des destructions locales de l'herbier sur des linéaires importants.
  • L'introduction d'espèces invasives , particulièrement Caulerpa taxifolia, modifient l'écosystème de l'herbier (toutefois, effets contrastés).

Concernant les activités maritimes sur le littoral, des codes de bonnes conduite ont été mis en place. D'autres restent à définir, le plus difficile étant de changer les habitudes des populations. Il existe cependant une réglementation contraignante qui a pris en compte progressivement la nécessité de protéger Posidonia oceanica en Méditerranée au même titre que d'autres espèces servant d'indicateurs biologiques et de pôles de diversité.


La réglementation existante autour de Posidonia oceanica


Ces vingt dernières années, des formations végétales telles que Posidonia oceanica ont fait l'objet d'une attention croissante à l'échelle de la région méditerranée. Dans un premier temps, c'est en tant que simple habitat écologique que l'herbier a suscité l'intérêt des autorités et des ONG. Cette prise de conscience a donné lieu à la création d'un ensemble de conventions internationales, de directives européennes, et de dispositions nationales, certaines faisant directement référence à la protection de l'herbier et d'autres y contribuant indirectement.

Textes réglementaires intéressant directement l'herbier :

C'est le cas des conventions modifiées de Berne (1979 - 1996) et de Barcelone (1976 - 1995) qui finiront par adopter une approche fondée sur les écosystèmes. La convention de Barcelone définissant des aires marines protégées est essentielle car elle prévoit des plans d'action, notamment, sur la protection des magnoliophytes marines.

Pour donner corps à ces textes en tenant compte des spécificités locales, des textes communautaires ont été traduits en droit national dans les pays de l'Union Européenne de la Méditerranée (directives habitats 21/05/1992).
En France, la protection de l'herbier entre notamment dans le cadre de la loi interministérielle du 19 juillet 1988. Celle-ci interdit notamment l'arrachage de la plante.La loi dite « littorale » du 3 janvier 1986 veille à énoncer les principes relatifs à l'aménagement, la mise en valeur et la protection du littoral.

Voir la video de Patrick ASTRUCK, ingénieur d'études en biologie marine, GIS Posidonie.


D'autre part, dès 1976, la France, l'Italie, et Monaco, ont été pionniers en Méditerranée dans la prévention et la lutte contre les pollutions marines des zones maritimes de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la Principauté de Monaco et de la Région de Ligurie en signant l'accord dit RAMOGE.
La Directive Cadre sur l’Eau (DCE, 22 décembre 2000), transcrite en droit français, vise à obtenir des résultats chiffrés en matière d'amélioration de la qualité des eaux d'un bassin hydrographique déterminé en respectant les principes d'une bonne gouvernance à l'échéance 2015. Elle passe par une homogénéisation des mesures de la qualité des eaux sur l'ensemble des pays d'Europe. Celles-ci sont basées sur un certain nombre d'indicateurs biologiques dont fait partie Posidonia oceanica.

Voir la vidéo d'Eric CHARBONNEL qui présente les rôles de l'observatoire du Parc Marin Côtes Bleues situé à Carry-Le-Rouet par rapport à la DCE.


En France, à l'échelon départemental, les procédures Natura 2000 visent à maintenir dans un état de conservation favorable les habitats naturels et les espèces floristiques et de faunistiques d’intérêt communautaire. Là aussi, Posidonia oceanica est concernée. A noter notamment l'action du Syndicat Mixte « Parc marin de la côte bleue », basé à l'Observatoire du Parc Marin – Plage du Rouet, Carry-Le-Rouet, Bouches-du-Rhône.

D'autres pays du pourtour méditerranéen ont également mis en œuvre des politiques publiques plus ou moins contraignantes, intégrant de près ou de loin la protection et la conservation de l'herbier.

D'autres règlementations peuvent avoir indirectement un impact positif sur la protection et la conservation de Posidonia oceanica. Elles font principalement référence à la restriction ou l'interdiction de certaines techniques de pêche à proximité des côtes, la limitation ou l'interdiction de rejets de polluants dans l'eau. Quant aux aménagements sur le littoral, ils doivent prévoir des études d'impact environnemental comme le stipule le code de l'environnement (art.122.1 du code de l'environnement). Ces aménagements peuvent en outre être soumis à enquête publique.


La surveillance de Posidonia oceanica


Il existe depuis 1984 un Réseau de Surveillance de Posidonia oceanica (RSP). Il a été mis en place par le Conseil Régional PACA, les services maritimes des départements concernés, le Conseil Général des Alpes-Maritimes et une ONG scientifique, le GIS Posidonie, réunissant des spécialistes et chercheurs universitaires. Le RSP a mis en place 24 sites, puis 33 sites de surveillance depuis 1994 sur 650 km de la région PACA..
Parmi les techniques de mesures utilisées : « les photographies aériennes (validées par des “vérités-terrain”) en limite supérieure, le suivi de balisages aux limites de l’herbier, la mesure du recouvrement et de la densité des faisceaux, la mesure du déchaussement des rhizomes, l’évaluation de la proportion de rhizomes plagiotropes » (cf. Rapport RAMOGE) et d'autres méthodes plus complexes.

Voir la vidéo d' Eric CHARBONNEL qui présente les actions de l'observatoire du Parc Marin Côtes Bleues situé à Carry-Le-Rouet.


D'autres systèmes de surveillance locaux le long des côtes de Provence et de Côte d’Azur (France) sont également à mentionner: « Archipel de Riou, près de Marseille, Golfe de Giens, près d’Hyères (Var), Littoral des Maures, entre Cavalaire et Saint-Tropez (Var) et Cap-Martin, entre Monaco et Nice (Alpes-Maritimes) » (extrait du rapport Ramoge).
Enfin, une des actions menées par l'IFREMER en 2006 dans le cadre du programme européen DCE 1 a consisté, à l'aide du bateau scientifique l'Europe, à collecter des informations sur l'état chimique et biologique de l'ensemble des eaux côtières, de la Camargue et des étangs littoraux (ou lagunes) des deux bassins Rhône-Méditerranée et Corse. Au cours de ce programme ont été réalisées, notamment, des observations permettant d'évaluer le degré de vitalité et l'état de santé des herbiers de Posidonia oceanica (25 stations).


Le réseau de surveillance de la Posidonia oceanica de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Tendance évolutive des 33 limites d'herbier entre 1988 et 2002 (d’après Charbonnel & Boudouresque, 2003).

posidonie littoral



Sources

Synthèse réalisée à partir des documents suivants:

- Boudouresque C.F., Bernard G., Bonhomme P., Charbonnel E., Diviacco G., Meinesz A., Pergent G., Pergent-Martini C., Tunesi L., édits. 2006.N°ISBN 2-905540-30-3 Préservation et conservation des herbiers à Posidonia oceanica. RAMOGE / Conseil Régional PACA / GIS Posidonie publ., Mc. : 1-200.
(disponible sur site web www.ramoge.org).
- Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER), Première campagne océanographique d'évaluation de la qualité des eaux de la Méditerranée au titre de la Directive Cadre sur l'Eau. Communiqué du 03-04-06. Disponible sur internet : < http://www.ifremer.fr/com/communiques/03-04-06-dce1.htm >
- CHARBONNEL Éric et BOUDOURESQUE Charles-François. Les vingt ans d'expérience du Réseau de Surveillance Posidonies. Le courrier de la nature n°206, mai-juin 2003. XX p.
- CHARBONNEL Éric.L'herbier de posidonie de la Côte-Bleue, des cartographies aux suivis par balisages. Note Posidonie Natura 2000,mars 2010, Parc Marin de la Côte Bleue publ., Fr. : 1-9.



.

Outils personnels